9 pistes pour une parentalité décoloniale 5/5

Dernière piste et pas des moindres… Après les 8 premières pistes, concernant plutôt soi, sa cellule familiale, l’ouverture vers les autres :

  1. Soigner nos traumas
  2. Nous éduquer avant d’éduquer
  3. Sortir de la parentalité blanche universelle
  4. Reconnaître nos propres dynamiques oppressantes
  5. Affirmer des représentations justes
  6. Discuter avec nos enfants
  7. Emmener nos premiers cercles
  8. Investir les crèches et les écoles

(9) Transformer l’empathie en outil politique

On dit souvent que les bébés sont des éponges et qu’iels absorbent toutes nos émotions. C’est parce que nous naissons pour la grande majorité d’entre nous naturellement empathiques. Cette empathie se travaille et est essentielle pour aujourd’hui lutter contre les différents systèmes de domination race, genre, classe.

Lorsqu’une personne raconte ce qu’elle subit, ce qu’elle ressent, c’est important. Ne ramenez pas cela à vous. Cela ne signifie pas que vous n’avez pas souffert ou que vos sentiments ne sont pas légitimes, mais qu’il ne s’agit pas de vous à ce moment-là. Au-delà de cet exemple individuel, l’empathie est selon moi (et pas que…), surement l’outil le plus puissant qu’on ait pour faire changer structurellement les choses.

Malheureusement, elle s’est brisée au fil des siècles de domination et d’oppressions dans le cœur 🧠 des personnes en haut de la pyramide, et l’empathie est devenue signe de faiblesse. Si je ne m’étais globalement adressée jusqu’à présent qu’à mes adelphes minorisé·es, sur tout le poids mental, émotionnel, racial dont nous avons la charge, il est plus que temps de demander sérieusement aux personnes en position dominante de faire ce qui leur incombe : soigner leurs traumas pour reconstruire leur empathie.

On ne peut pas être au sommet depuis si longtemps, bénéficier non pas même de privilèges mais bien de pouvoirs devenus systémiques grâce à des générations et des générations d’oppressions, allant de déshumanisation en déshumanisation, sans avoir soi-même, petit à petit, perdu quelques pièces de son humanité et de son empathie. Dans Discours sur le colonialisme, Aimé Césaire écrit :

Je me suis permise de couper les détails de certains actes ; je pense que c’est déjà assez parlant ! La colonisation n’a pas dépossédé que les territoires et populations colonisées, elle a aussi dépossédé le colonisateur. Dans le premier cas, malgré la construction de notre aliénation, nous bénéficions de quelque chose que les dominants n’ont jamais eu à activer, la résilience, elle aussi renforcée sur plusieurs générations. Si nous souffrons de la transmission des traumas de nos ancêtres, nous bénéficions aussi de leur puissance, de leurs résistances et de leurs luttes. Dans le second cas, l’aliénation des colons et de leur descendance, je ne vais pas dire que je suis inquiète, mais clairement je les plains.

Conclusion : Sortir de l’affect individuel

Comment des personnes qui hier, ont inventé des races biologiques pour organiser un système d’oppressions de groupes entiers de personnes à partir de critères purement arbitraires, peuvent-elles aujourd’hui, reprocher aux personnes oppressées de dénoncer des races sociologiques et les conséquences des systèmes de domination ? Être racisée, asiatiquetée, minorisée, ce n’est pas une identité, c’est un fait sociologique que je n’ai pas choisi !

La réflexion puis l’action décoloniales visent avant tout à politiser notre parentalité, qui, je le répète, ne s’arrête pas à la maternité ou à la paternité, ni à la biologie ou à la structure familiale eurocentrées. Tout comme l’explique Ibram X. Kendi à propos du racisme et de l’antiracisme, il n’y a pas de neutralité. Décoloniser sa parentalité, c’est décentrer son regard, sortir de l’affect individuel qu’il soit la honte ou la culpabilité, s’extraire de la binarité raciste = méchant / gentil = non raciste, refuser de croire en un totem d’immunité « j’ai un ami / un collègue / un enfant / un chat noir… » !

Je comprends tout à fait qu’être « traité·e » de raciste, de transphobe, d’homophobe, de grossophobe… ne fait pas plaisir, et que de devoir penser à tout ce qu’on dit et tout ce qu’on fait en faisant attention aux autres et à leur perception, est un travail épuisant. Je comprends, car c’est la violence de notre quotidien, à nous personnes concernées, séparatistes et islamogauchistes. Bienvenue dans notre monde où le centre, ce n’est pas toi !

Et quand on merde, y compris dans une société structurellement aliénante, il convient d’adopter une démarche réparatrice : reconnaitre, s’excuser, s’éduquer pour ne plus recommencer, voire compenser…

Enfin, pour finir cette série d’articles, pour que cela soit plus une ouverture qu’une fin, je me permets d’emprunter les mots de Joohee Bourgain, adelphe panasiaféministe. Dans son livre sur l’adoption internationale, entre mythes et réalités, qui vient de paraitre et que je vous invite toustes à lire, ces mots sont bien évidemment adressés à des adelphes adopté·es, même si je ne pense pas dénaturer son propos en les utilisant ici pour une parentalité décoloniale.

Mon écriture est celle d’un espoir politique. Et j’aimerais susciter de l’intérêt chez toutes les personnes adoptées qui n’ont pas osé jusque-là prendre la parole, qui doutent, hésitent, s’interrogent, tâtonnent et balbutient. Je ne suis pas meilleure qu’elles. J’ai simplement eu plus de temps ainsi que les conditions matérielles et psychologiques pour écrire.

Joohee Bourgain, L’adoption internationale – mythes et réalités

Quelques ressources pour aller plus loin :

  • Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, 1950
  • Ibram X. Kendi, Comment devenir antiraciste, 2020
  • Joohee Bourgain, L’adoption internationale – mythes et réalités, 2021 – et son compte instagram @kimgun59
  • Trois comptes instagram essentiels @la.charge.raciale @decolonisonsnous @sansblancderien – liste non exhaustive

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