Arrêtez d’écrire, de publier, d’acheter n’importe quoi pour les enfants…
TW : racisme, colonisation, esclavage, sexisme, lgbtqphobie

J’aimerais sincèrement passer du temps à créer ou à lire de beaux ouvrages à vous proposer, plutôt qu’à décortiquer des textes coloniaux, racistes et sexistes, mais il y a des choses beaucoup trop graves qui sont mises dans les mains de nos enfants. J’ai publié ces posts sur instagram mais je tiens à laisser trace aussi sur le blog car google n’annexe pas encore les posts insta et cela doit rester accessible au plus grand nombre. Il n’est pas question ici de call out mais de déconstruire la manière dont beaucoup présentent les luttes à nos enfants. Et non, on ne parlera pas des mains de les couvertures…
Il ne suffit pas de se dire féministe et antiraciste pour l’être… et dire quelques phrases justes par-ci par-là ne rattrape pas l’enrobage problématique autour…

Tous les extraits sont issus de ces 4 livres :
- Riposte ! : Comment répondre à la bêtise ordinaire, 2014
- Les mots pour combattre le sexisme, 2019
- Des mots pour combattre le racisme, 2020
- Tous différents mais tous égaux, 2021
Tolérance, Racisme, xenophobie
Déjà partons des postulats de base de ces livres : tolérance et métissage comme solutions au racisme.

Sérieusement ? Tolérer des gens (du fait de races sociologiques supposées) c’est désagréable mais faut prendre sur soi ? Être tolérant c’est être antiraciste ?! Mais comment j’en ai rien à faire de votre tolérance ! On ne tolère pas des êtres humains, on n’a pas à être toléré·es !!
De temps en temps, vous verrez « sans rancune », c’est vraiment écrit dans un des livres alors je le « mets en valeur » !
Et en plus il y aurait d’autres oppressions à prendre en compte dans cette tolérance ?!
Est-ce que les antiracistes de la tolérance arriveront à nous laisser exister ou atteindront-ils leur seuil de tolérance qui les fera basculer vers le côté obscur du racisme ?

Et le racisme alors ?
Moi qui croyais que le racisme était une idéologie théorisée par la suprématie blanche pour justifier la colonisation et les massacres… En fait c’est un sentiment humain qui a toujours existé MAIS qui n’est pas inné… On l’apprend depuis toujours ?
Heureusement en France, le pays aux lois antiracistes les plus avancées du monde, on est bien aidé·es !

Bref, tu vois toute la confusion entre xénophobie, haine et racisme ?

Cela ne nous dit toujours pas ce qu’est une race…
On ne parlera bien évidemment pas des races sociologiques, faudrait pas expliquer pourquoi on utilise encore le terme de « race ».
Une pluie d’amour pour le métissage et les Blancs qui n’appartiennent pas à une race, exclus du processus de racisation par eux-mêmes… C’est toujours très ironique à quel point les races n’existent pas mais le métissage oui, ce totem qui prouverait la fin du racisme par le mélange de races inexistantes, « terme impropre au genre humain »…

Bref… et les critères du racisme ?
Donc les races sociologiques liées aux couleurs de peau s’arrêtent à noir, blanc, jaune, rouge – les deux dernières ne sont absolument pas admises pour désigner des couleurs de peaux d’ailleurs – et les brown vont être ravi·es d’apprendre qu’iels n’ont toujours pas de place !

Colonisation, esclavage
Parler de colonisation implique semble-t-il forcément :
- de commencer par dire qu’il n’y a pas qu’un seul phénomène de colonisation comme si ça dédouanait
- d’assurer que la colonisation est terminée, même si on garde des « liens forts » entre nos pays (= des rapports de domination)
- d’utiliser un vocable positif « développer », « permettre », « valoriser », « offrir », « participer »
Au final, c’est dur aussi pour les colons !
Est ensuite cité Aimé Césaire dans son discours contre le colonialisme qui expose en gros que le colon a dû perdre son humanité pour pouvoir faire tant de massacres sur d’autres êtres humains, ce qui me semble loin « des conséquences néfastes » qui sont décrites comme relativement égales entre colonisés et colonisateurs…
Avoue tu t’étonnais de pas avoir vu « communautarisme » depuis ! « La perception d’être menacé·es » – comme si c’était fantasmé !
Et n’oubliez pas qu’il y a certes des suprémacistes blancs méchants mais les suprémacistes noirs aussi existent…

Parlons Esclavage désormais…
Vous commencez à comprendre le principe… Oui « coloniser », oui « réduire en esclavage » existait avant les méchants Blancs Européens et en parallèle, mais on ne se situe pas sur un niveau « mangeurs de monde » !! Cela ne sert à rien de ressortir ça à chaque fois pour réduire votre culpabilité !!
Moi qui croyais que l’esclavage était un crime contre l’humanité, mais bon les discriminations étaient juste très fortes… Tu sais, ils étaient là pour travailler !

Et ça se termine comment ?
Grâce à une dizaine d’hommes blancs cités par leur nom contre 1 homme noir… Mais Napoléon qui relégalise l’esclavage n’est surement pas cité. Heureusement que la France et l’Occident ont montré l’exemple !! Sinon, pour vous, on ne parle pas d’esclaves mais d’esclavisé·es ou réduit en esclavage, et Haïti (Saint-Domingue est le nom colonial) s’est affranchie seule, pas grâce aux maîtres!
4 femmes sont citées dans le livre glossaire qui fait près de 200 pages : Angela Davis qui a sa propre page, Rosa Parks qui rencontre Martin Luther King, Françoise Vergès pour une citation et la « Vénus noire » avec bien touuuus les détails de sa mise à disposition #traumaporn et SANS RANCUNE

Bref, heureusement que tout ça est fini (ou pas…), je me demande ce qu’on aurait eu comme blague illustrée avec papi…
Apparemment, la fin des « épisodes racistes » colonisation et esclavage a permis de faire des « Noirs des citoyens comme les autres »… du pays de la Noirie ? Citoyenneté : noir ! Bon il y a quand même eu un petit truc appelé ségrégation raciale, mais c’était pas partout… SANS RANCUNE

Stéréotypes et préjugés racistes
Et aujourd’hui ? Il y a encore quelques stéréotypes… J’ai la flemme de retravailler l’écriture (et je ne vois pas comment faire mieux…) donc voici un florilège des stéréotypes et préjugés racistes sur les personnes noires, arabes, musulmanes, asiatiques, natives, roms et mêmes adoptées !
Sexisme
L’antisexismes des blanc·hes
Aphrodite, Hubertine Auclert, Brigitte Bardot, Simone de Beauvoir*, Angela Davis*, Eve*, Olympe de Gouges*, Gisèle Halimi, Françoise Héritier, Jeanne d’Arc, Marie-Madeleine, Louise Michel*, Marilyn Monroe, Simone Veil, Wonder Woman* et Virginia Woolf* sont citées (* ont leur propre page).
Concrètement les femmes du sud global sont aliénées : il y a dans une bonne majorité du livre une opposition de l’Occident, fer de lance du féminisme depuis des siècles, face aux « pays en développement » qui n’ont aucune conscience féministe…
Aucune lutte féministe hors de la France, du Royaume Uni ou des Etats-Unis n’est mentionnée sous l’entrée « Féminisme » ni vraiment ailleurs…
Traduction : Si même en Occident, on n’y est pas encore alors faut même pas imaginer les « pays en développement » ! En France en 44 les femmes votent, c’est ça la démocratie féministe !
Ce n’est pas comme si pendant les premières vagues, les Suds étaient colonisés et se bataient pour leur indépendance, pour leur humanité… y compris les personnes des Suds minorisées pour leur sexe, leur genre ou leur orientation sexuelle !

Avec « #MeToo », « Racisées » est la seule nouvelle entrée de la réédition de 2019.
Outre le fait que les blanches ne sont apparemment pas issues d’un groupe raciale, il s’avère que « Racisées » est inséré pour expliquer l’intersectionnalité et non le processus de racisation. Ni Kimberlé Crenshaw, ni Colette Guillaumin ne sont citées bien sûr !
Et puis comme c’est compliqué, les mêmes mots sont repris un an après pour le glossaire sur le racisme…

Le système patriarcal
Je mets quelques points par écrit mais les images sont plus parlantes.
#MeToo – Ce n’est pas du tout comme si le mouvement avait été lancé en 2007 par Tarana Burke, une femme noire ! C’est sérieusement récurrent cette invisibilisation… Sauf Angela Davis qui a une page pour elle dans les 2 glossaires qui n’est même pas un copier/coller ! #token
Le consentement vaut pour tous les corps mais comparer une main sous une jupe avec risque de pénétration et une main sur un torse… Si un garçon est consentant, on fait quoi du non de la personne en jupe ? Et les enfants racisé·es dont les corps sont à disposition ?
Les écoles n’ont pas attendu #MeToo. Ne faudrait-il pas aussi parler des jupes longues interdites si associées à un bandeau ? Et je suis la première à parler d’éducation, mais responsabiliser les parents et a fortiori les mères en omettant les systèmes dans lesquels on évolue est problématique.




Sexe, genre et orientation sexuelle
Sur tous les livres, il y a un traitement très approximatif sur le sexe, le genre (expression et identité) et l’orientation sexuelle… A commencer tout de suite par la dénomination des organes sexuels.
« Les mots pour combattre le sexisme » s’adresse à un public adolescent, à partir de 12 ans d’après le site de l’éditeur, et se veut un outil intergénérationnel… Et on parle encore de zizi et de zézette ?!
Les bébés qui naissent avec un pénis sont assignés garçons. Et si on ne part pas du principe que le pénis est aussi important, mais bien un organe comme les autres, sans tabou, il ne devient pas « un autre moi ». De la même manière que pour les « zizis » aucune déconstruction sur sexe « zézette » et genre fille… Les bébés qui naissent avec une vulve (dites le mot !) sont assignées filles. Il est plus que temps qu’on nomme correctement les organes génitaux depuis si longtemps utilisés pour silencier !
Il y a donc encore en 2019 (date de parution) des personnes qui se déclarent féministes et continuent de sortir les théories de Freud sur l’angoisse de la castration, perte du pénis pour les garçons et manque de pénis pour les filles… ET qui renvoient vers Titeuf, Freud et Woody Allen pour en apprendre plus sur le sexe !

Le mélange des genres
Ce sont les personnes transgenres qui nous révèlent que sexe et genre diffèrent ? « Sentiment-Estimation d’être né·es dans le mauvais corps »
NON, c’est une prise de conscience que le genre assigné à la naissance n’est pas le bon, ce qui peut demander une transition, des changements sociaux et médicaux en fonction des normes de notre environnement.
« Hermaphrodite », « Transexuel », « Travesti » ne sont plus à utiliser aujourd’hui, a fortiori par des personnes dyadiques et cisgenres si ce n’est pas pour condamner leur violence et leur utilisation passée. Parler encore de sexe biologique pour les personnes dyadiques et cisgenres pose vraiment problème car quel serait l’adjectif opposé pour une personne intersexe ou transgenre qui ferait une opération génitale ?
Évidemment aucune explication sur les personnes cisgenres ou la cisnormativité, ou les personnes dyadiques. D’ailleurs, comme sur la diapo précédente, dans les livres qui en parlent, on passe des caractéristiques biologiques aux identités de genre aux orientations sexuelles dans un même paragraphe, voire une même phrase, sans autre précision ou distinctions…
L’intersexuation ne se résume pas aux organes sexuels vulve ou pénis. Les chromosomes et la production d’hormones sont également des caractéristiques sexuées. Intersexe n’est pas un genre mais correspond bien des caractéristiques biologiques. On ne refuse pas de se genrer, on est non-binaire. Le genre n’est toujours pas une question de sentiment.

C’est donc une habitude d’utiliser le n-word !! mais rien sur la construction entre autres raciste et coloniale de la binarité et de la présence dans de nombreuses cultures de paradigmes complètement différents…
Les personnes concernées peuvent opérer une réappropriation des termes qui ont été ou sont encore utilisés négativement par d’autres, mais les non concernées se doivent d’éviter l’utilisation de ces termes !
Et avec tout ça, c’est forcément le sexe qui fait un papa ou une maman, même si, heureusement que c’est précisé, ça ne les enferme pas dans un rôle… Il ne faudrait pas confondre, contrairement à ce qui est écrit !

Conclusion
Tous les livres se répondent
Il faut bien comprendre que tous les livres se répondent… On n’écrit pas un livre pas okay, puis un deuxième, et tout d’un coup le troisième est juste ! On pourrait par exemple parler de cet album « Rue des quatre vents ». Parce que dessiner un tirailleur sénégalais en tenue militaire et armé en plein milieu d’une rue en France hexagonale, c’est tellement NORMAL !!

Je ne décolère pas de tout ce que véhiculent ces livres, à l’attention de nos enfants, et pourtant cela commence à faire un moment que je les ai achetés et lus.
Arrêtez d’écrire, de publier, d’acheter n’importe quoi pour les enfants et les jeunes… On ne peut pas continuer à transmettre des biais coloniaux, racistes et sexistes à travers une histoire qui ne valorisent que les vainqueurs, ni transmettre des approximations qui ne tiennent pas compte des déconstructions et évolutions, notamment de vocabulaire.
Aujourd’hui, il ne suffit plus d’être ou d’éduquer de manière non sexiste ou non raciste. Il convient d’être activement antisexiste et antiraciste.
Ce n’est pas un appel à la pureté militante car toute déconstruction est progressive, mais se déclarer féministe et antiraciste, avoir une telle audience pour publier près d’une vingtaine de livres en une douzaine d’années, et continuer à écrire en 2021, une très longue liste de contenus coloniaux, racistes et sexistes, c’est sérieusement problématique.
Je comprends qu’en tant que parents, on ait besoin de supports pour parler à nos enfants de sujets complexes, mais en réalité, vue la littérature actuelle en la matière, c’est en nous éduquant nous-mêmes auprès de personnes concernées, que nous serons plus à même de transmettre des connaissances justes à nos enfants.
Ressources gratuites
La liste se concentre sur les créateurices de contenus globalement pédagogiques et est bien évidemment non exhaustive.
Podcasts
A l’intersection, Adelphité, Asiattitudes, Kiffe ta race, Les couilles sur la table, Les enfants du bruit et de l’odeur, Mäli Mâli, Miroirs Miroirs, Ni Ton Hindou Nஇ Ton Pakpak, Putain de podcast, Tant que je serai noire…
Comptes insta
@aggressively_trans @alokvmenon @collectif_paaf @decolonisonslefeminisme @decolonisonsnous @fatima_ouassak @femin.asie @grandeurnoire @histoires_crepues @intersex.info @jnounaliste @kelsiphung @kimgun59 @la.charge.raciale @lecoindeslgbt @lesenfantsdubruitetdelodeur @mrsrootsbooks @sansblancderien @sexpositive_families @sororasie @spicydevis @xymediafr
Ces ressources sont gratuites mais si vous le pouvez, soutenez financièrement car vous n’imaginez pas le temps et la charge que tout cela représente, et si vous ne pouvez pas, il y a toujours moyen de soutenir différemment.
Bonjour,
Je viens de tomber sur ton blog en recherchant « intersectionnalité » sur Google et je suis ravie. Tu as fait un travail incroyable de déconstruction et de partage de cette déconstruction.
Je suis au début de la mienne et tous les éléments que tu partages ainsi que tout ceux que tu cites dans tes ressources me permettent d’avancer, je pense, plus rapidement que toute seule.
La maternité a été pour moi aussi un révélateur et est aujourd’hui encore un puissant levier. La liste des livres que tu décrit dans la bibliothèque de Bout’chou sont également un important support car c’est un travail long et fastidieux de chercher des trésors dans un océan de bêtises plein de mots terminant en « isme ».
J’ai éclaté de rire plusieurs fois en lisant ton dernier article. Les écrits que tu reportes sont affligeants et tellement grotesques que ça en est risible… Honte à ceux qui osent écrire ces livres sans être les personnes concernées ou les solliciter et je dirais même sans être déconstruits sur les sujets !
Un grand merci pour tout ce que tu fais
J’aimeAimé par 1 personne
Bonjour et merci pour ce retour qui donne de l’énergie pour continuer !
J’aimeJ’aime