En tout cas, c’est ce que disent la majorité de ses papiers d’identité. Ma grand-mère, c’est Popo, une institution dans ma vie. J’avais 11 ans quand elle est décédée, mais elle m’accompagne encore aujourd’hui.
A 31 ans, Popo est enceinte de saon sixième enfant. Surement de 6 ou 7 mois, car d’ici mi-décembre, elle va accoucher de ma maman. Pour ma mère je ne sais pas, mais dans 4 ans Popo prendra le vélo aux premières contractions, pour revenir avec mon dernier oncle en toute discrétion.
Cela fait déjà plus de 10 ans que Popo a quitté sa terre natale en faisant plus de 8500 km à vol d’oiseau mais sur un bateau. Elle retrouve son mari, parti un peu plus tôt. Ensemble, iels fondent une famille et montent une affaire, dans un pays alors colonisé par l’Empire, ne connaissant ni culture ni vocabulaire.
A 31 ans, ma mère multiplie les attestations, pour accueillir et héberger la famille qui n’est pas empêchée… Après plusieurs années, elle a enfin obtenu sa naturalisation, elle qui est née sur un territoire colonisé. Elle se bat pour la naturalisation de son frère dont elle écrit à quel point ses brillants résultats la rendent fière ; également pour sa mère dont la santé nécessite plus que le système insulaire. Elle subit les critiques de ceux qui lui imaginent dans l’hexagone la vie facile, mais se bat pour elle-même durant toutes ses années d’exil.
Cela fait déjà 20 ans que l’indépendance a été déclarée, après plus de 20 ans de luttes lourdement réprimées. « Depuis le départ des Français, le pays s’est dégradé », ai-je entendu souvent. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Le développement du pays s’est fait grâce au travail forcé des colonisés et l’Empire colonial a tout pillé avant de partir chassé, tout en conservant les territoires les plus riches de l’Ile dépouillée.
Il y a 20 ans, Popo est partie.
Il y a 2 ans, Maman est partie.
A 31 ans, je suis l’héritière de notre histoire pleine des brèches des immigrations fugitives et successives. Maman à mon tour, il m’incombe pourtant un rôle de transmission, car nos traumas demandent guérisons, mais nos vies demeurent combatives.

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