Quatre petits jours de centre de loisirs pré-rentrée pour ce qu’iels ont appelé « un petit incident ». Bout’Chou a griffé un autre enfant et a refusé de s’excuser, apparemment une histoire de ballon. L’animatrice en profite pour compléter : « c’est compliqué pour lui tous les matins mais après ça va, et de toute façon il était de mauvaise humeur toute cette journée ».
Démêler les interprétations des faits
Alors on discute avec lui ; il a déjà été assez grondé et puni… On apprend qu’il a reçu un coup avant de griffer, qu’il a appris qu’il n’avait pas le droit de porter de t-shirt reine des neiges et qu’il avait les cheveux trop longs…
Qui a dit ça ? Les autres… Enfants, animateurices, on ne saura pas. Il ne connaît quasi aucun prénom, n’a créé de lien de confiance avec personne en 4 jours. Mais cela a été dit.
L’animatrice de l’accueil semble très étonnée quand je lui en parle. Là où l’équipe ne voyait qu’un problème de séparation le matin, un manque de collectivité pour les jeux et un enfant unique sur le partage, moi je vois un enfant à qui on a dit d’emblée qu’il ne pouvait pas être lui-même, qui n’est donc vraiment pas ravi d’aller au centre malgré les bons côtés sur lesquels il se concentre la journée, et qui ne va sûrement pas s’entendre avec un bon nombre de camarades.
Oui, il parle merveilleusement bien. Il est physiquement grand. Il vous a même appris deux ou trois trucs sur les plaques tectoniques, les volcans, le système solaire, les tardigrades, ou encore les parasaurolophus. Vous vous étonnez de son intelligence. Mais vous oubliez complètement son âge…

Il est plus fort que ça mais…
C’est tellement dur. On a mis des mots, on a fait des câlins, on a pleuré. Pas forcément dans cet ordre. On est en colère. Si c’est une première, ce n’est pas une dernière.
Il se mettait déjà tellement de pression pour grandir. « Aujourd’hui j’ai un peu pleuré, mais demain je ne pleure plus ». « Je dors sans doudou, je me l’interdis ». On insiste sur ses droits à être petit et à prendre son temps pour grandir…
Pour le moment, il ne veut pas couper ses cheveux. Il ne portera peut-être ses t-shirts reine des neiges qu’à la maison, il n’est pas encore sûr. Il sait que ce sera toujours un espace de sécurité pour lui.

Parlez à vos enfants
Les enfants ne naissent pas sexistes ou encore racistes, bien évidemment. Mais grandir dans une société régie par les systèmes de domination raciste, patriarcale, ou encore capitaliste, avec des parents qui ne se déconstruisent pas, c’est perpétuer les mêmes biais et les mêmes conséquences. En entrant à l’école, nos enfants ne sont déjà plus ces êtres vierges du système…
Alors parlez à vos enfants, car la différence est partout et chaque enfant mérite d’être ellui. L’idée n’est pas de se lier d’amitié avec tout le monde, mais de respecter tout le monde comme on aimerait nous-mêmes l’être. Les moqueries ne sont pas des blagues anodines et ont des conséquences fortes sur l’estime et la confiance en soi… A l’école, il y aura :
- des enfants filles fan de dinosaures avec les cheveux courts / garçons en rose avec des cheveux longs / non binaires ou non définis encore qui ne se reconnaîtront pas quand on leur demandera de choisir fille ou garçon ;
- des enfants à la peau du beige le plus clair jusqu’au marron le plus foncé ;
- des enfants petits, grands, gros, minces ;
- des enfants avec des yeux, des cheveux, des bouches, des nez, des oreilles, des visages de plein de formes différentes ;
- des enfants qui s’exprimeront d’autres manières, avec les mains, le dessin, dans une autre langue ;
- des enfants qui ne se déplaceront peut-être pas sur leurs deux jambes ;
- des enfants avec uniquement des affaires neuves ou au contraire des affaires un peu usées ;
- des enfants qui méritent qu’on respecte leur individualité.
Cœur sur vous et belle rentrée !
ma fille rentrée souvent de l’école primaire déprimée, quand j’ai enfin réussi à la faire parler j’ai appris qu’on la brimait tous les jours parce qu’elle avait les cheveux court et que les filles « doivent » avoir le cheveux long ou encore parce qu’elle « courrait comme un garçon »… je cherche encore à comprendre, je savais pas que les fille et les garçon ne courent pas de la même manière. Bref, un enfer de sexisme à à peine 6 ans. J’en suis restée abasourdie. Je n’en revenais pas. Et bien sûr, tout ça sous l’œil du personnel qui ne voyait rien de mal dans les chamaillerie d’enfants. Il a fallu du temps et trouver les bon livres pour qu’enfin elle comprenne qu’elle avait le droit de courir comme elle veut et d’être elle-même et que le problème ne venait pas d’elle mais de ceux qui n’acceptent pas la différence. Je trouve ça tellement triste
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C’est tellement dur… Plein d’énergie 🤗
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« Adults often think they should avoid talking with young children about race or racism because doing so would cause them to notice race or make them racist. »
Merci pour ce re-tweet. Je me suis tellement retrouvée dans ce passage. Il y a quelques semaines, j’avais pris un peu au hasard un livre sur Rosa Parks à la bibliothèque. Après coup je m’étais dit que c’était un peu tôt pour le lire à ma pas-encore-5-ans, mais elle est tombée dessus, et je lui ai lu. Avec à la clé les notions de racismes (et donc de couleurs de peau différentes, je ne sais pas à quelle point elle en était consciente depuis sa position de privilégiée), de ségrégation, d’esclavage. Elle a ensuite émit des propos bien embarrassants dans le bus… En y réfléchissant après, elle ne faisait qu’observer à voix haute ce qu’elle voyait tout en faisant le lien avec l’histoire de Rosa Parks (et pour une enfant qui a 2,5 ans parlait en faisant des citations de livres, c’est logique), mais sur le moment, gros coup de panique, et j’ai cru avoir fait une grosse erreur. J’étais effondrée et je m’en voulais beaucoup.
Mais en fait non, ce n’était pas une erreur. Il faut qu’elle sache, il faut qu’elle soit consciente de ce que peuvent vivre ses copains, il faut qu’elle comprenne ce qui arrive pour pouvoir le signaler aux adultes quand il y a besoin et aider ses camarades, il faut qu’elle soit au courant pour ne pas reproduire bêtement ce que ferait d’autres enfants ou adultes.
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Les propos d’enfants ne sont embarrassants que pour des adultes qui ne sont pas à l’aise pour en reparler. Là où il y a une curiosité d’apprendre, il y a en face des tabous non déconstruits.
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Bonjour. Alors, pour être plus précise, il s’agissait d’une phrase qui était en lien très direct avec le thème du livre sur Rosa Parks, à savoir : « Les noirs vont au fond du bus ». Avec l’histoire de la ségrégation aux Etats-Unis encore toute fraîche à l’esprit, cela sonnait comme une injonction assez déplaisante. Je ne vois pas trop quel tabou non déconstruit il y aurait là dessus ? Après le moment de surprise (et avec l’espoir que la personne qui passait à côté de nous n’ait pas entendu, au cas où ça aurait pu le blesser) je lui ai réexpliqué que la ségrégation, c’était il y a longtemps dans un autre pays et qu’ici tout le monde était libre et avait le droit de s’asseoir où il voulait, qu’en l’occurence les places disponibles étaient au fond du bus, et que d’habitude c’était là bas que je serais allée m’asseoir moi aussi si on n’avait pas que 2 arrêts et que le bus ne s’était pas remis en mouvement tout de suite.
Elle m’a ensuite demandé si c’était avant qu’on soit né, puis si c’était avant qu’il y ait des humains (la notion de temps est encore un peu floue pour elle, et depuis qu’on a parlé du racisme elle a l’air d’essayer de garder l’espoir que ça soit un truc ancien qui n’existe plus, mais ça commence à venir).
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