Je suis eurasienne.

En lançant mon blog, je souhaitais mener des réflexions sur des choses qui me définissaient intrinsèquement. J’avais donc défini 5 catégories, presque chronologiquement : femme, métisse, geekette, épouse et mère. En cherchant des idées d’articles pour chacune des catégories, la liste « métisse » était vraiment mince et je l’ai donc retirée. Temporairement, j’espérais, parce que cela me travaillait d’avoir « effacé » cette partie de moi…

Savoir d’où je viens

Ma mère est née à Madagascar, de parents chinois de Guangzhou, qui ont fui la Chine suite à l’une des révolutions chinoises, dans l’équivalent de ce qu’on a plus tard appelé des boat-people. Ils tenaient un commerce à Mananjary, un petit village, où un pont porte encore le nom de mon grand-père, le pont Wai Kin Fuk.

Avant-dernière d’une fratrie de 7 enfants, ma mère a eu la chance de faire ses études à la capitale, dans une école de bonnes sœurs. Un peu rebelle, c’est la première à émigrer, en France, elle a alors 23 ans. Elle est naturalisée française quelques années plus tard.

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Le pont Wai Kin Fuk, Photo Patrick Wai (c)

L’histoire de mon père est moins « exotique », mais pas plus simple pour autant. Né après la Libération, il serait le fruit de l’union de ma grand-mère avec un soldat russe sur le départ. Russe s’entend ici au sens large de l’époque, plutôt Russie mongole d’ailleurs, vus ses yeux. Les circonstances restent floues, mais mon père a ensuite été reconnu par son père adoptif au nom italiano-corse.

Et me voilà, femme Française avec des yeux bridés, un petit nez écrasé, de parents français, avec des origines franco-sino-russe et un nom à consonance italiano-corse… Un sacré mélange !

Fière d’être une enfant du monde, j’ai pourtant fui la communauté asiatique

Comme je le dis très souvent, je suis une banane : jaune à l’extérieur, blanche à l’intérieur. Je ne parle pas chinois. Je ne fête pas le nouvel an chinois. J’ai longtemps fui les asiatiques, tout en restant attirée par leurs cultures.

Ma mère a beaucoup de mal à partager son histoire et celle de ses parents. Il va vraiment falloir que je me décide à chercher par moi-même… Il y a beaucoup d’éléments idéalisés et de trous noirs qui ne seront surement jamais comblés. Ces non-réponses à mes questions ont creusé le fossé entre ma culture chinoise et moi-même, et entre ma mère et moi.

J’ai toujours eu le « cul entre deux chaises ». J’avais les yeux trop bridés pour être Française. Je connaissais trop peu la culture chinoise pour m’y intégrer – et je n’en avais pas envie. J’ai trop de caractère. Je n’avais pas le nom qui allait avec mon visage. Mais je n’ai jamais renié la richesse de mes origines. J’ai juste préféré me définir comme une enfant du monde et j’ai donc fui les communautés, dont la communauté chinoise.

Savoir où je vais

Depuis une petite dizaine d’année, la communauté asiatique sort de son silence, et pour cause, la nouvelle génération n’est plus celle de nos parents ni de nos grands-parents. Il est temps aussi pour les asiatiques – et je vais désormais dire pour nous – de se faire comprendre dans toute notre diversité et de mettre fin aux stéréotypes qui nous rendent vulnérables.

Comme vous le savez, je suis une jeune maman. Une nouvelle génération est née, encore plus métissée que moi grâce à Monsieur Chou. Mon Bout’Chou lui non plus n’a pas un nom qui va avec sa tête. Lui aussi aura à répondre à de nombreuses interrogations sur ses origines, son histoire, sa potentielle adoption… Peut-être que lui aussi sera confondu avec les deux autres asiatiques qui seront dans sa classe…

Si j’ai fait une force de mon multiculturalisme, j’espère qu’il sera encore plus fort et qu’il assumera chacune de ses origines, qu’il pourra puiser aussi dans la puissance et le dynamisme de ses communautés plurielles.


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