« Protégez vos filles. Éduquez vos fils. »
Ouais… non. Ce slogan utilisé partout m’énerve ! C’est une énième manière de binariser l’éducation et notamment celle du consentement, et surtout d’essentialiser et d’individualiser un sujet éminemment politique et systémique.
OK OK, le consentement doit être libre, éclairé, clair, défini dans le temps et l’espace, révocable, donné par une personne en capacité de le faire. Ça, c’est la base qui, j’en conviens, est loin d’être respectée par toustes. Néanmoins, ce que je constate surtout, c’est que la valeur du consentement ou du non consentement émis n’est pas la même pour toustes…

Fille cis VS Garçon cis
Pour commencer sur la binarité de genre, et en réalité de sexe dans le cas de ce slogan, ne venez pas me dire : « mais bien sûr que ça implique les petites filles trans », 1- vous n’avez aucun pouvoir d’inclure qui que ce soit à votre échelle, 2- l’inclusion n’existe pas, 3- c’est faux, vous ne pensez pas aux filles trans. Si c’était le cas, vous n’iriez pas exclure, en plus des garçons cis, les garçons trans et les enfants non binaires de la protection dont iels bénéficieraient rien que par le respect de leur consentement. Si c’était le cas, les opérations sur les bébés et enfants intersexes ET les thérapies de conversion LGB et T seraient interdites car vous vous seriez mobilisé·es contre…
Bref, pour en rester sur la binarité de sexe, qui reste une chimère, nous connaissons évidemment les conséquences du patriarcat et les privilèges de la masculinité. Mais n’oublions pas les conséquences de la masculinité toxique sur nos enfants assigné·es garçons et à quel point celle-ci vient instiller l’éducation de tous les enfants, y compris de ces filles à protéger.
Oui, les chiffres sur les agressions sexuelles envers les mineurs sont flagrants (ici, ici, ou encore ici). Mais nous savons aussi que les faits sur les garçons sont beaucoup moins dénoncés et moins poursuivis, que ce soit lorsque l’agression arrive très jeune et qu’elle n’est même pas identifiée, ou plus tardivement à l’adolescence / jeune adulte et qu’elle est trop honteuse face aux standards de virilité.
Aussi je ne crois pas qu’enfant, une vulve, un pénis ou des caractéristiques sexuelles externes intersexes aient une incidence sur la protection nécessaire, sur l’éducation au consentement et à la sexualité nécessaire, ou sur le respect nécessaire de nos enfants.
Sexualité VS respect de tous les corps
La question du consentement tourne quasi exclusivement autour de la sexualité et ne serait donc pas un sujet avant l’adolescence. Or, le consentement ne concerne pas le corps uniquement dans ses composantes sexuelles. L’éducation au consentement, c’est tous les jours et concerne tout le corps, je dirai même tous les corps.
Le consentement, c’est une habitude à prendre, un réflexe à développer : demander avant de toucher. « Ouais mais moi je suis hyper tactile, c’est pas ma faute… » Ouais bah moi j’aime donner des baffes aux gens tactiles et j’en donne pas.
Je prends souvent l’exemple d’un cartonné, pour très jeunes enfants donc, dans lequel une petite fille noire fait un bisou non consenti à une petite fille blanche (et rousse pour la diversité, mais ne digressons pas…). Pourtant jamais, on ne pose la question du nombre de fois où cette petite fille blanche (et tant d’autres personnes) a touché sans consentement les cheveux de la petite fille noire.
Parce que nos corps racisés ont tellement été pris par la violence, exposés, mis à disposition, qu’aujourd’hui encore ils n’ont pas la même valeur que les corps blancs. Parmi les stéréotypes et préjugés raciaux qui supplantent la priorité du consentement, on retrouve sans distinction de genre : les corps qui seraient déjà soumis à dominer, les maltraités à libérer, les puissants à mater…
Pour rester sur la question raciale, il y a également la perception que la société donne des parents racisé·es et de leurs enfants racisé·es. On pourra suivre à la lettre tous les principes du dogme de la parentalité bienveillante, positive et respectueuse, privilégier Montessori ou encore Filliozat, nous serons toujours perçu·es avec plus d’agressivité et de violence et donc avec moins de valeur.
Évidemment, le consentement est aussi un sujet éminemment important sur la question du soin, de la maladie, du handicap et des neuroatypies. Le soin n’empêche pas le consentement, mais de manière bien trop systématique, il n’en tient pas compte… Dans un même processus de minorisation par le système, nos corps invalidés deviennent une excuse pour nous infantiliser et nous ôter tout respect mérité.
responsabilité individuelle VS collective
Au bout du bout, qu’est-ce qu’implique ce type de slogan et de phrase toute faite ? comme d’habitude, une responsabilité reposant à nouveau sur les mêmes personnes, celles qui occupent les fonctions dites du care, du soin, bien que cette notion sociologique soit bien plus large que la traduction française le laisse penser.
Et qui sont-elles ces personnes ? Les mères me direz vous, mais au-delà des mères cis hétéro blanches valides, je pense encore plus particulièrement aux parents minorisé·es, parfois multiminorisé·es, trans, racisé·es, handi, pauvres, queer… Ces parents qui de par leur minorisation, comme on vient d’en parler juste avant, sont perçu·es par définition comme des mauvais parents.
S’il y avait une responsabilité individuelle à prendre en compte, ce serait celle des agresseureuses, devenu·es adultes, et donc apparemment en capacité de réfléchir et de déconstruire des modes de pensées et d’actions. « Ma mère m’a jamais dit… », ça je l’ai beaucoup lu avec Me Too. Mais imaginons un seul instant que ce soit vrai, bah… t’as grandi maintenant !! Mais là aussi attention, il y aurait énormément à développer sur ce capital « capacité et déconstruction » lorsqu’on n’est pas une personne blanche bourgeoise valide…

Pour conclure cet article déjà trop long, l’éducation au consentement dès le plus jeune âge est selon moi un des premiers outils de lutte contre les violences sexuelles, ainsi que contre la culture du viol dans son aspect systémique, et ce quel que soit le genre de nos enfants. Mais leur éducation à elle seule ne suffit pas pour lutter contre un système construit pour favoriser le pouvoir. Se contenter d’un focus sur l’éducation de nos enfants n’est qu’une nouvelle manière d’inverser la charge de la responsabilité.
Car arrêtons de nous mentir sur les agresseureuses sexuel·les. Iels n’ont pas manqué d’éducation, iels savent très bien ce qu’est le consentement quand il s’agit de leur corps. Juste iels s’en moquent quand c’est le corps d’une autre personne, car les violences sexuelles, sexistes, racistes, validistes, et j’en passe, ne sont toujours qu’un enjeu de pouvoir et de preuve de domination sur l’autre.
Bref, éduquons-nous avant d’éduquer qui que ce soit, et notamment nos enfants, et arrêtons de penser que l’éducation a elle seule pourra tout changer face au système.