Yellow peril supports black power

Mardi 2 juin 2020, 18h30. J’arrive dans le 17ème, préparée comme jamais auparavant pour une manifestation. Celle-ci est interdite et ce qui est contesté, c’est justement l’impunité de la police. État d’urgence sanitaire, arrêté d’interdiction du préfet, manifestant·es avec la rage au ventre, les flics ont tous les arguments pour que cela finisse mal. Et ils sont nombreux, équipés de la tête aux pieds, pas besoin de 8 minutes pour mourir sous le genou de l’un d’être eux. Je genre au masculin car je les ai bien observés et sur toute la masse, je n’ai vu qu’une femme. Je ne les ai pas tou·tes vu·es bien sûr mais le ratio n’est pas étonnant.

Violences policières, fini de se taire

George Floyd, c’est la goutte d’eau dans un océan de violences racistes, de violences policières, de violences policières racistes. Mais c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase de beaucoup. La violence des images, que je n’ai pas pu regarder jusqu’au bout, me glace encore le sang. Elles ont néanmoins forcé la main aux autorités locales pour licencier et inculper un policier avec un historique de plaintes pour violences à son actif plus qu’impressionnant ! Elles ont aussi permis de se projeter sur d’autres morts comme celle d’Adama Traore, dont le récit de sa mort par les policiers [présumés] responsables correspond vraiment à l’homicide de George Floyd. Alors un projet de loi français qui interdirait de filmer des flics, ce serait vraiment mettre fin à toute possibilité de preuve…

J’ai lu, écouté et vu, lorsque les journalistes et politiques français·es ont voulu expliquer par tout moyen que le rapprochement des deux situations n’était pas « aussi simplistes », que les histoires de nos pays, le fonctionnement de nos polices, ou encore le racisme des Américains étaient incomparables… Tout cela expliqué par des expert·es et journalistes blanc·hes, entouré·es de blanc·hes, qui se posent vraiment toutes les questions, sauf celles du racisme et des violences policières racistes, et encore moins ici en France.

Pourquoi des Sommaliens auraient choisi Minneapolis pour leur immigration ? Il y fait tout de même très froid.

Un « malabar » qui meurt sous une technique conçue pour tuer devait avoir d’autres problèmes de santé sous-jacents, n’oubliez pas qu’il avait été en prison, qu’il prenait de la cocaïne et qu’il titubait au début de la vidéo…

Le passé du policier ? Ah, 18 plaintes en 19 ans de service. Vous me l’apprenez…

Alors bien sûr, malgré « ces maladresses », ça condamne les violences policières racistes aux États-Unis d’Amérique, mais dès qu’il s’agit d’assumer en France le racisme d’Etat et de la police, il n’y a plus grand monde. Je choisis de mettre la vidéo ci-dessous de Rokhaya Diallo, car c’est l’une des rares où elle n’est pas interrompue, et qu’est-ce que ça fait du bien ! On ne parlera pas du titre donné par LCI pour la chrini

En France aussi…

Nous étions 20 000 dont pas mal de casseurs d’après les médias, les vidéos montrent davantage de personnes et une manifestation pacifiste jusqu’à ce que les flics passent à l’action. Assa Traore, à l’origine de l’appel au rassemblement, a elle remercié les 80 000 personnes présentes (vidéos vues du ciel en balayant sur le post ci-dessous).

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80 000 manifestants! Votre nom rentre dans l’histoire. A vous tous qui avez été présents hier à nos côtés en mémoire de ces hommes, de George Floyd à mon petit frère Adama, morts dans les mains des forces de l'ordre mais aussi pour tous ceux que la justice a abandonné en méprisant leurs droits, je vous remercie du fond du cœur. Ce que nous avons accompli ensemble hier est inédit et historique. Car c'est notre combat à tous, issus de tous horizons que de rappeler la justice à son devoir. Certains tenteront de minimiser l'événement, de détourner l'attention, mais la vérité est qu'ils sont conscients de notre pouvoir à tous, réunis autour de ce combat plus grand que nous. Qui que nous soyons, d'où que nous venions, nous ne formions qu'un tendant vers un unique but. La justice doit s'appliquer à tous et pour tous. C'est un fait. Et nous ne la mendions pas, nous l'exigeons. Ce n'est pas un cadeau, c'est un droit absolu. L'impunité policière est un mal auquel nous devons mettre un terme. Personne ne le fera à notre place. Pour cela, il nous faut rester forts, nombreux et Unis. Le combat n'est pas terminé. Cependant, hier nous avons fait un pas de plus vers un monde où le droit précieux à la vie n'est contestable pour personne. Nul n'est inutile. La présence de chacun d'entre vous compte. Elle compte pour vous, pour votre famille, pour votre voisin, pour nous. Que vous soyez là en silence, que vous murmuriez ou que vous criiez, que vous soyez venus seuls ou en groupe, c'est l'addition de toutes vos forces individuelles qui décuple la notre. Sans vous, nous ne sommes rien. Hier de nombreuses personnalités étaient présentes également. Ils n'ont pas seulement relayé sur les réseaux sociaux, ils ont marché avec nous, parmi nous, comme nous, en tant qu'individus soucieux des droits de chacun. Nous les remercions de mettre à profit leur visibilité pour faire connaître le combat, de se positionner sur cette question si éminemment politique et de savoir en même temps discrètement s'éclipser pour laisser place à cette noble cause que nous défendons. Au nom de mon petit frère qui continue d'exister grâce à vous, je vous remercie infiniment. 📸 @3xbking

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La goutte d’eau française : un nouveau rapport médical qui met en cause le cœur de son frère et non le poids de 3 policiers lourdement équipés sur sa cage thoracique alors qu’un autre rapport médical indépendant met bien en cause les policiers. Et puis, il y a les similitudes avec Georges Floyd, l’embrasement aux États-Unis et partout dans le monde, la rage et la peur du quotidien, la situation de Gabriel 14 ans, l’augmentation des violences policières dans les quartiers pendant le confinement, l’impunité des flics face à une trop longue liste de morts et familles qui demandent justice…

#moiaussijaipeurdevantlapolice. Alors je n’ai pas peur pour ma vie tous les jours comme certain·es à juste titre vues l’histoire et l’actualité. Ma couleur de peau ne me rend pas dangereuse pour des flics. Aujourd’hui, en tout cas. Je sais néanmoins que tout peut rapidement évoluer…

Ce qui est incompréhensible cependant, pour des journalistes et des politiques français·es, c’est d’entendre et d’accepter cela. La rapidité de réaction du Ministre de l’Intérieur pour répondre « c’est faux » face aux paroles simples mais criantes de vérité de Camélia Jordana sur un plateau de télévision, c’est nier le vécu et le ressenti de toute une partie de la population. Oser dire qu’on ne voit pas les couleurs de peau, alors que les conséquences des races sociologiques sont là devant ses yeux, c’est nier le vécu et le ressenti de toute une partie de la population.

Not all cops

Alors bien sûr, puisqu’il faut encore le dire, ce n’est pas toute la population française qui a peur, ce ne sont pas tous les flics qui sont des pourris racistes, ce ne sont pas tous les blancs qui sont racistes, les blancs peuvent subir individuellement des paroles et des actes racistes. MAIS ce qui est en cause là, ce sont des violences et du racisme systémiques.

Les photos et vidéos des flics à genoux ou qui interviennent en soutien aux manifestants aux États-Unis se multiplient sur les réseaux. La journaliste Sihame Assbague répond « et alors ? » (voir sa publication ci-dessous) et j’aimerais compléter par « encore heureux ! ». Bien qu’il soit bon de savoir qu’il y a une volonté de changement aussi au sein de certaines polices américaines (ce qu’on ne voit pas dans la police française qui est pour le coup nationale), ce n’est pas le sujet ! Focaliser sur ce « pas tous les flics », c’est sortir du sujet systémique, de la même manière que de focaliser sur « pas tous les hommes » dans les luttes féministes.

Tous ces noms qui s’accumulent sur une longue liste de crimes impunis, causés par celleux censé·es nous protéger, ne sont pas des cas isolés, des accidents, la faute à pas de chance d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Dans la même situation un·e blanc·he n’aurait pas souffert des mêmes conséquences ! Ces flics assassins ne sont pas non plus des cas isolés, ils ont été formés comme cela, formatés notamment à croire que les corps des hommes noirs et arabes sont des machines, puissants, dangereux, et donc formatés à s’étonner lorsqu’ils plient sous la pression de 250 kg directement sur des points vitaux… C’est aussi ça le poids de l’héritage post-colonial voir néo-colonial de notre société.

Asiatiques anti racistes

Avec un petit groupe d’asiofem, il nous a paru important d’être présentes non seulement en tant que personne mais aussi en tant qu’Asiatiques de France, en tant que personnes racisées subissant aussi le racisme, et donc présentes pour toutes les luttes anti-racistes. Aux États-Unis, les asiomilitant·es ont marché aux côtés des afromilitant·es (je ne crois pas qu’il y ait eu d’équivalent en France) et le slogan #yellowperilsupportsblackpower fait partie de ceux qui ont marqué cette convergence des luttes.

De péril jaune à communauté modèle à virus chinois, le sort des communautés asiatiques montre bien que la construction sociologique des races évolue, et ce potentiellement très vite. Dans tous les cas, l’essentialisation et la déshumanisation des systèmes de domination notamment raciste sont à combattre ensemble.

Enfin, s’il n’est absolument pas question de remplacer le #blacklivesmatter par un #alllivesmatter, qui ce serait clairement nier la réalité des communautés noires, il me semble important de rappeler que les violences policières racistes peuvent et ont touché aussi les communautés asiatiques avec la mort de Liu Shaoyao, abattu chez lui devant ses enfants. Sa famille attend toujours justice.

Mardi 2 juin 2020, j’ai raté le coucher de mon fils, je n’ai pas pu l’embrasser avant qu’il s’endorme, notamment pour toutes ces mères qui ne peuvent plus le faire pour leurs enfants morts, et toutes celles qui ont peur de ne plus pouvoir le faire à cause des violences policières. Mon fils était inquiet de ne pas me savoir à la maison alors que le virus dont on se protège depuis des mois est encore là. Il m’a cherchée dans la foule à la télé, sachant pertinemment que toutes ces pancartes levées réclamaient l’égalité. Je lui avais expliqué et lui expliquerai encore que certaines choses sont plus importantes, que certaines personnes peuvent mourir à cause de leur couleur de peau, et qu’il est essentiel que cela change.


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