Ça sonne un peu comme une injonction ? Ça en est une. Avec l’actualité brûlante, de nombreux blogs publient leurs recommandations en matière de littérature jeunesse contre le racisme. Je vois un peu de tout, des livres que j’approuve à 100% et d’autres un peu moins – et j’imagine que ce sera la même chose quand d’autres liront cet article… Alors comme d’habitude, je vais plutôt vous parler de notre bibliothèque. J’en parle souvent, en tant que personne racisée et pour tout type de « minorité » d’ailleurs, se retrouver dans les livres que nous lisons, et cela dès notre plus tendre enfance, c’est une nécessité. Cet article va principalement s’axer sur la diversité ethnique mais est valable pour toutes les normes à briser : blanchité, hétérosexualité, validisme, binarité…
Si vous y réfléchissez bien, c’est une nécessité tout aussi importante lorsque vous n’êtes pas concerné·e… Pas pour apprendre à tolérer les autres (s’il vous plait n’apprenez pas la tolérance à vos enfants…), mais simplement parce que tout le monde compte, tout le monde a la même valeur, et tout le monde doit pouvoir bénéficier des mêmes droits. Des enfants non-asiatiques qui n’ont jamais vu une asiatique si ce n’est dans Mulan ou tout autre conte à base de mystères et de dragons, vont tout de suite faire l’amalgame (true story sis… mais moi on ne m’avait pas prévenue).

Comptez vos livres jeunesse
C’est la première étape pour vous en rendre compte, et vous avez le droit, ce n’est pas une statistique ethnique réalisée par l’Etat, ça va !
Il y a tout juste un an, paraissait la mise à jour d’une étude statistiques sur la diversité des personnages dans la littérature jeunesse publiée en 2018 aux Etats-Unis d’Amérique. J’avais déjà bien en tête de construire une bibliothèque la plus inclusive possible pour mon fils, mais ce fut la première fois que je fis des statistiques sur nos livres.
Une première étude avait été menée sur les publications de 2015. Comme vous le voyez ci-dessous (en bougeant le curseur sur les deux infographies), l’évolution est flagrante ! En 2015, plus de 73% des personnages publiés étaient blancs et 12,5% étaient des animaux (ou objets). Ce qui ne laissait donc plus que 14% des publications à se partager pour tou·tes les non-blanc·hes et non-animaux… En 2018, les blancs représentent toujours 50% des publications jeunesse, ce qui nous fait croire qu’il y a eu une réelle évolution. Mais cette baisse s’est faite au profit des animaux !! Tellement plus simple de dessiner un ours plutôt qu’un Noir ! Alors il y a eu une évolution bien sûr, la part des racisés est passée de 14 à 23%, mais cela reste toujours moins pour tous les personnages racisés que pour les animaux… Cela fait réfléchir hein ?!


Il y a tout juste un an, je tenais donc mes comptes, et j’ai recompté cette année. Alors déjà, pas de commentaires sur le nombre total svp… Ensuite j’ai créé une ligne « multiculturels » pour les livres avec plein d’enfants différents et le classement a vraiment été fait rapidement. Je ne compte pas les personnages racisés qui ne sont pas au coeur de l’histoire, des fois il y a une noire au fond, ça ne fonctionne pas, hein ! Il y aurait plein d’autres intersections à faire, voir la qualité de chaque livre, qui a écrit / illustré, où est-ce que cela se passe, quelles sont les thématiques traitées, est-ce qu’il va également à l’encontre des stéréotypes de genre… Mais ça serait vraiment une grosse étude statistiques… et cela donne déjà une bonne première idée ! Parce que plus vous avez de diversité dans votre bibliothèque (en ayant un peu réfléchi à ce que vous achetez/lisez), plus il y aura de représentations.
Par exemple, un seul livre ne peut représenter toute la diversité au sein des communautés asiatiques… Chaque pays, chaque région, a sa culture, son histoire, son immigration. Les enfants d’immigrés nés ailleurs ont un vécu encore différent. Il y a le croisement des intersections, celleux qui sont encore plus invisibilisé·es, la classe sociale, le métissage, le genre, la sexualité, l’adoption…
Juin 2019 | Juin 2020 | Commentaires | |
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Total Livres jeunesse | 171 | 386 | 🤫 |
Blancs | 27% | 23,1% | |
Animaux, objets, fruits | 33% | 24,1% | Les livres bébé, bonjour ! |
Multiculturels | – | 13,2% | |
Asiatiques | 11% | 14,5% | |
Noir·es | 17% | 13,2% | Parfois difficile de distinguer |
Arabes | 7% | 4,1% | en ajoutant les 2, 24% et 17,3% |
Hispaniques | 2% | 1% | |
Premières Nations / Inuits | 2% | 1,6% | |
Océanie | – | 0,3% | |
Sans personnage | – | 4,9% |
Faites le choix de la diversité
Certains parents n’ont pas le choix et devront aborder la question des races sociologiques très tôt. Les parents blancs, eux, ont la chance d’avoir le choix, le choix d’éduquer une nouvelle génération, non pas tolérante des personnes qui ne lui ressemblent pas, mais véritablement anti-raciste, qui prendra position en tant qu’alliée.
Nous sommes tou·tes des individus et notre couleur de peau ne nous définit pas intrinsèquement. Mais les races sociologiques existent factuellement et la hiérarchie entre elles également. Dire qu’on ne voit pas les couleurs, ou que le blanc est universel, ou encore que tout le monde peut se reconnaitre dans un lapin, aussi mignon soit-il, c’est nier le vécu et le ressenti des personnes non blanches. Ce sont de nouvelles excuses pour se cacher derrière une soit-disante idéologie universaliste pour couvrir le fait qu’il y a peu d’enfants et de familles racisées en littérature jeunesse, et en littérature tout court.
Quand on parle de diversité, on peut y mettre beaucoup de choses… Ce qui nous manque : des personnages principaux racisés, en position de figure d’autorité, avec des corps gros, dans une relation autre qu’hétérosexuelle, handicapés, avec une amitié fille/garçon non sexualisée, puissants ou fragiles, qui apprennent à se relever sans l’aide d’un·e blanc·he (#whitesaviorsyndrom), ou tout ça en même temps, dans leur quotidien (ici « occidental » et contemporain), que ce soit le sujet du livre ou pas du tout, écrit par des auteurices, et illustré par des illustrateurices concerné·es.
Pour être encore plus claire, a fortiori si on n’a rien d’autres à présenter, montrer uniquement des petit·es noir·es dans la savane ou des petit·es asiatiques en habit « traditionnel » (amalgamé pour sûr) avec des dragons, c’est largement contribuer à véhiculer les amalgames et clichés racistes dont iels sont victimes. On évite aussi les petites filles qui cachent des goûters dans leur afro, les livres sur le racisme qui ne parle que de tolérance, les animaux qui s’appellent par leur couleur pour parler de différence, ou encore Christophe Colomb découvreur de l’Amérique…
ListeS non exhaustive
Je vous laisse découvrir ce qui traine activement dans la bibliothèque de Bout’Chou IRL, de nombreux ouvrages ont été présentés sur la version en ligne, certains y sont sans être ci-dessous, d’autres y seront bientôt. Il doit y avoir là plus de 70 ouvrages ! Si vous avez d’autres suggestions et peut-être même des livres sur le handicap avec des personnes racisées, je suis preneuse…
Quand le livre a été présenté dans la bibliothèque de Bout’Chou, le lien est indiqué en légende de l’image.
- Mes indispensables – La base, de 0 à 9 ans, voire au moins 31 ans. Il y en a plein d’autres bien sûr mais il fallait faire un choix !












- Pour les tout-petit·es – Une majorité de cartonnés à lire sans modération dès la naissance car il n’y a pas d’âge pour commencer à lire et à parler des choses qui comptent.











- A l’école – Une petite sélection école / avec les autres enfants. Attention à la traduction de « Bienvenue! Un livre sur l’inclusion » qui passe de « All are welcome » à « Tout le monde est LE bienvenu »… Chez nous, c’est bien évidemment « Tout le monde est bienvenue ». Pourquoi genré quand il est si facile de ne pas le faire !








- LGBTQ+ – Extrêmement important !!










- Girl power – Ca fait toujours du bien !









- Vie de quartier – N’invisibilisez pas les couleurs derrière le bien vivre ensemble…





- Immigration – Réalité à laquelle il faut faire face également.







- Et plein d’autres !!






















Pour conclure également sur une injonction, vous serez surement plus gêné·e que vos enfants pour aborder certains sujets, là où chez elleux, il n’y a qu’une simple curiosité et une simple envie d’apprendre et de comprendre. Renseignez-vous avant que les questions n’arrivent, parlez-en avant que les questions n’arrivent et ne ratez jamais une occasion d’en parler même si c’est extrêmement furtif. Nos enfants apprennent aussi par bribes d’informations, et face à votre silence, l’occasion ne se reproduira peut-être pas avant un moment.
Prenez-soin de vous, et bonne lecture !
C’est un exercice que je souhaitais faire depuis longtemps « l’état des lieux » mais je sais d’avance que mon score sera mauvais 😵. La bonne nouvelle c’est que ton article donne des pistes qui font vraiment envie pour travailler ce point !
À propos des animaux, j’avais contacté une autrice pour savoir si les animaux mâles de son histoire étaient ensemble (des détails de l’arrière plan semblaient le montrer mais la traduction française disait « son ami » donc c’était légèrement ambigu…) Elle m’a expliqué que oui ils étaient ensemble. Son éditeur était okay de cette histoire avec un couple gay MAIS si ils étaient dessinés en animaux… 🤦♀️ (le livre est Va faire un tour et je le recommande cependant, jen parle sur mon blog)
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Oui on ne peut que s’améliorer 😉 et oui je vois cet album avec 2 pandas où on ne sait pas s’ils sont en coloc ou en couple… Merci de me l’avoir confirmé ! Le monde de l’édition n’y échappe pas
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J’ai retrouvé un article de brouillon bien moins abouti où je menervais sur les livres « bien vivre ensemble » où on présente une image d’Épinal où chacun et chacune pourrait vivre comme il le souhaite peut importe son genre, sa religion, etc. Sauf que c’était en pleine période où les mamans voilées étaient interdites d’accompagner les sorties scolaires sous prétexte de laïcité. J’aimerais tellement que les livres jeunesses ne fassent pas semblant que tout va bien, en espérant que ainsi tout ira bien… si on ne montre pas du doigt les inégalités à nos enfants, comment seront ils capable d’y réagir ?
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Je comprends, c’est comme ces livres sur la ferme où tous les animaux vivent heureux ! Je t’avoue aussi avoir peur de cette découverte d’un monde pourri avec si peu d’humanité… Alors je m’en sers comme base de discussion et peut-être qu’en se disant que c’est l’objectif à atteindre, il s’insurgera face à l’inhumanité ?
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Comme j’adore les listes et les chiffres, j’ai bien envie de compter.
Mais par curiosité (et réflexion sur l’approche sur les livres), as-tu compter les contes dans des pays non européens ? T’es-tu fié strictement au personnage principal pour ta classification ?
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Pour classification « basique » je me suis fiée principalement au personnage principal, mais quand ça n’était pas forcément clair, aussi sur l’ambiance. Ce n’est pas parce qu’un personnage noir est une couverture qu’il est personnage principal… J’aimerais beaucoup pouvoir trier plus, sur le lieu, le sujet, les intersections ! Mais c’est tellement chronophage et energivore… Je l’ai fait rapidement sur mon article lié aux albums du mois de l’héritage panasiatique.
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